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MONDOCHALLENGE - Les années collège/lycée

Raconte-moi tes années collège! Raconte-moi le lycée! Il faut bien l’avouer, je fais partie de ces jeunes qui ont du prendre leur mal en patience pendant des années. Et qui de très (trop?) vivants, sont passés à trop discrets…

Quand je suis entrée au collège catholique, je ressemblais à peu près à ça :

L’oeuvre civilisatrice de ce genre d’établissement n’est plus à démontrer. Peu à peu, je devins quelqu’un de poli et délicat, capable de tenir sur une chaise, vêtue de couleurs discrètes et assorties, faisant bon usage de la brosse à cheveux. Je découvrais les mœurs des familles françaises de classes moyennes à aisées, leurs habitudes estivales, et leur goût pour les labradors. Les langues étrangères et la musique entraient dans mon oreille et dans ma mémoire par une magie qui demeure inexpliquée, et je me souviens encore de nombreux morceaux de flûte, et de presque toutes les chansons apprises au cours de ma vie, et de la plupart des voix entendues. Peu à peu, on s’étonna moins que j’arrive à écrire sans fautes, à compter, et à lire un livre tout entier. Avoir des bonnes notes devint bientôt un état de faits, et plus un miracle, parce qu’elles arrivaient précisément sur ma copie, et non sur celle de ma voisine de table, dont le papa était naturopathe ou pédiatre. Mon intégration était en marche. Je me souviens d’ailleurs avoir été obligée, comme tous mes condisciples, de présenter un livre au choix à la classe. J’avais choisi Niourk, de Stefan Wul ; une sombre histoire d’enfant noir et de tribus barbares. Évidemment, c’était moins chic que Le Portrait de Dorian Grey, ou Viou, ou Jane Eyre. Chacun fait comme il peut.

Un jour, en 6e et avec une certaine condescendance, un professeur de français était venu me voir après avoir distribué le copies d’expression écrite. Elle m’avait demandé si je « parlais patois à la maison ». J’avais donc compris qu’il fallait plutôt se fier à Balzac et à Hugo pour apprendre la « vraie » langue française, où on peut dire « sarrau » et « brodequin ». Au cours de cette première année, j’avais rapidement cessé de compter les fois où certains profs me demandaient « tu comprends? », sans pour autant avoir l’audace de répondre « Bien sûr, vous l’avez déjà dit il y a 15 jours et trois fois au début du cours. »
Mais malgré ma bonne volonté, je ne pus faire face à deux ennemis de taille : le cours de sport, et l’ennui. Tant que j’ai pu me figurer que le cours de sport était une grande récréation, mes notes étaient médiocres, mais le temps passait relativement vite. Quand est tombée l’illusion, à la faveur d’une nouvelle activité appelée « course d’endurance », où l’on attendait de moi que je tourne en rond sur un terrain boueux et sous la pluie, il n’est plus resté que les notes médiocres. A la fin de la 3e, j’étais si bien intégrée que j’avais 16 partout – sauf en sport – et que j’étais la chouchoute de certains profs, même si je n’avais pas poussé l’effort de ressemblance jusqu’à porter un chemisier à col marin et une jolie barrette assortie. Malheureusement, le temps passé à avoir l’air comme les autres et à montrer que je pouvais faire aussi bien qu’eux – pas trop « mieux », c’était risqué – a fait que j’ai raté le virage qu’ils ont tous pris : l’adolescence. Je faisais des blagues qui n’amusaient que les adultes, tout en essayant d’observer ce qui faisait rire les autres jeunes, en ne comprenant pas la plupart du temps ce qui était drôle, mais riant quand même. Je me taisais beaucoup, ce qui facilitait les choses. J’avais une excellente amie qui lisait beaucoup et jouait au badminton. J’étais trop acclimatée scolairement, et je commençais à trouver le temps long. Il me fallait du neuf, et vite.


On m’appâta un jour avec une promenade en centre-ville. Je compris soudain, face à des grilles de fer forgé démesurées, que l’objectif de la promenade était de m’emmener aux journées portes ouvertes d’un grand lycée privé de centre-ville. Je me souviens avoir trouvé ce lieu épouvantablement vieux, poussiéreux, et avoir ressenti de l’angoisse, quand une mère a demandé bien fort pour que tout le monde entende, si il était gênant que son fils parle couramment anglais avec un léger accent américain pour entrer en classe européenne. J’étais tétanisée. Moi, je n’avais jamais mis les pieds aux Etats-Unis. J’ai gardé cet état de stupeur en toile de fond pendant trois ans qui m’ont semblé ne jamais finir. Je me sentais en prison. J’ai découvert qu’à 18 ans on pouvait avoir son propre cheval, et atteindre le bonheur suprême en recevant un carré Hermès, et avoir le champ de vision rétréci par des préjugés vieux de plusieurs siècles. Les quatre années précédentes m’avaient demandé des efforts d’adaptation éprouvants, et je voyais avec horreur que le théâtre social se poursuivait dans une veine plus absurde et malveillante. Les cours m’ennuyaient énormément ; rien qui n’avait pas déjà été dit les quatre années d’avant. J’ai perdu toute joie de vivre tant j’avais l’impression de rouiller au port, de stagner intellectuellement, et d’être enfermée avec des gens auxquels je n’aurais jamais rien à dire, et qui attendaient juste de la vie qu’elle passe. J’ai dormi pendant trois ans, alternant les cycles longs et courts, les phases de stupeur, et les 7/20 en sport. Je suis sortie du lycée avec un Bac mention européenne et un Advanced Certificate of Cambridge, et j’ignore comment j’ai fait. J’ai perdu des points à cause du sport. J’avais une excellente amie, aux cheveux rouges et avec un gros tatouage, et on se demandait bien ce qu’elle foutait là. Le dernier jour de cours, je suis partie comme une voleuse, vite, sans dire au revoir à personne. J’ai regretté de ne pas avoir été au lycée dans un lycée français en Afrique. Déjà, j’aurais eu beaucoup moins froid, et puis je suppose que personne ne m’aurait fait remarquer qu’il y avait plusieurs sortes de Français, et que les gens avec un nom comme le mien, n’étaient pas sur le haut du panier. Quant au programme… Je suppose qu’on lit Corneille là-bas aussi… 😉

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Auteur·e

melpwyckhuyse

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