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J'ai soif

Je meurs de soif près de la fontaine… Je pense à Villon quand je vois des mendiants devant les supermarchés, où tout est si en abondance, qu’on finit par le jeter…

Voici un extrait de La Ballade des Contradictions, de François Villon (non, pas Fillon), aussi appelée Ballade du Concours de Blois, puisqu’elle a été écrite en 1458 pour un concours proposé par Charles d’Orléans, seigneur de Blois. Elle commence par un vers du Prince poète, « Je meurs de soif près de la fontaine ».


Je meurs de soif auprès de la fontaine,
Chaud comme feu, et tremble dent à dent,
En mon païs suis en terre lointaine ;
Lez un brazier friçonne tout ardent ;
Nu comme ung ver, vestu en president ;
Je ris en pleurs, et attens sans espoir ;
Confort reprens en triste desespoir ;
Je m’esjouys et n’ay plaisir aucun ;
Puissant je suis sans force et sans povoir,
Bien recueilly, débouté de chascun.


Je meurs de soif près de la fontaine

Je pense à Villon quand je vois des mendiants devant les supermarchés, où tout est si en abondance, qu’on finit par le jeter. Je me souviens à Marseille, en 2013, avoir rencontré les Roms. A l’époque, ils étaient à la mode, et on parlait d’eux un peu partout dans les médias, qui les ont oubliés depuis, alors qu’ils sont probablement toujours expulsés d’un bidonville à l’autre, comme le sont les « migrants » aujourd’hui en vogue, et dont on se sert allègrement pour manipuler l’opinion publique, mettre des fascistes beuglant et gesticulant sur le devant de la scène, tout en laissant soigneusement dans l’ombre ceux qui ruinent le pays en ne payant pas leurs impôts, se servant grassement dans les caisses de l’Etat, exploitant de pauvres gens qui n’ont pas les moyens de se révolter.
Je crois qu’il est honteux d’établir une hiérarchie entre les pauvres. Je crois aussi que la seule chose importante à retenir, c’est qu’aujourd’hui, dans un pays comme la France, des enfants, des femmes, des hommes, des vieillards dorment dans la rue, ont froid et faim. Quelque soit leur couleur de peau ou leur provenance.

Voici le tout premier enregistrement sonore que j’ai fait en 2013, à Marseille, au moyen d’un appareil photo dont j’avais laissé le cache. Ça parle des Roms. Et le montage est un peu bancal 😉 #indulgence

Voici un reportage que j’ai fait le 31 décembre 2014, auprès de personnes démunies accueillies par des associations, la Fondation Abbé Pierre, et les Petits Frères de Pauvres. Bien que catholiques à leur fondation, ces associations viennent en aide à tous, sans distinction, et il n’est pas nécessaire d’être religieux pour y être bénévole ou en être bénéficiaire.


Je meurs de soif
Pour avoir échangé avec des mendiants, ils m’ont dit que la chose la plus terrible, lorsque l’on fait la manche des journées entières en plein soleil, c’est la soif. La sensation de lèvres gercées, qui deviennent comme papier à cigarette, et se déchirent, la bouche pâteuse, où la langue racle les joues sèches, cherchant un souvenir de salive, la gorge en feu, comme lors d’une de ces maladies provoquées par le froid.
J’ai éprouvé cette soif épouvantable lors d’un voyage au Maroc, après des heures de route qui ne semblaient plus finir, dans une vieille voiture qui nous cuisait, aux portes du Sahara… Arrivée à destination, à bout de forces, je me suis jetée sur le premier point d’eau que j’ai trouvé, et j’ai bu tout ce que je pouvais boire. J’ai immédiatement vomi tout ce que j’avais bu, me disant qu’il aurait été avisé de commencer par manger, et puis boire après…


Désert saharien


Près de la fontaine…
Un été, ma grand-mère mourrait à l’hôpital de Valenciennes. J’ai voulu être près d’elle. Elle était déjà entourée d’oncles et tantes. Et de mon grand-père. La navette reliant les gares de Tours et de Saint-Pierre-des-Corps, tôt matin, avait été supprimée, et il fallait prendre un autre train qui allait y passer. Cela n’était indiqué nulle part. J’ai raté – évidemment – le train qui partait de la gare de Saint-Pierre-des-Corps. J’ai raté les derniers mots de ma grand-mère.
Quand je suis entrée dans la chambre, les yeux clos, elle respirait la bouche ouverte, sur le dos, et je voyais, à sa langue rouge et sèche, que comme une plante, elle manquait d’eau.  Je lui ai apporté, de mon mieux, lui tenant la main et puisqu’on me le demandait – « Mais DIS quelque chose! » – quelques mots et chansons en flots doux et joyeux. J’ai eu, je l’avoue, au cours d’une de ces nuits à son chevet, ma main dans la sienne, la lâcheté de la supplier de ne pas me laisser seule. Elle est restée, jusqu’à ce que, tombant de sommeil, je lâche sa main. Quand j’ouvrais les yeux, elle partait, et je n’ai eu que le temps de serrer fort mon grand-père dans mes bras, que j’entendais pour la première fois lui demander, bouleversant et maladroit : « Tu n’as pas trop mal, ma chérie? »
Il faut chanter, chanter quand on a soif, quand on est triste, quand on est heureux, pour être toujours ensemble.


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Auteur·e

melpwyckhuyse

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