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Nouvelle - Elias

Plantation de thé

Dans cette nouvelle nous suivons les tribulations d’Elias, doctorant syrien, qui ne sait plus sur quel ton le répéter : il n’étudie PAS les gender studies.
Dans cette nouvelle j’interroge nos préjugés, cette violence quotidienne quasi invisible qui parcourt nos propos, toujours niée quand l’agressé la pointe du doigt.

« Raciste ? Homophobe ? Mais pas du tout, c’est vous qui interprétez mes propos ! Misogyne ? N’importe quoi ! On ne peut plus rien dire ! Il faut arrêter de toujours se sentir persécuté ! »


Nouvelle de Warda Mouladawa, lue par Eric Rambeau


Quelle personne avec un nom d’origine non française n’a jamais eu à faire face aux commentaires désobligeants de l’administration, à perdre du temps à cause d’une faute dans un document officiel, qui bloque un dossier ? N’a jamais entendu d’insinuations sur les aides sociales qu’il/elle percevrait en abondance, en ne faisant rien , bien évidemment ?

Quelle femme ne s’est pas fait couper la parole en réunion dix fois par un homme, sans pouvoir, au bout du compte, exposer ses idées ou son travail ? Autant de temps perdu pour le poursuivre. Quelle femme ne s’est jamais sentie infantilisée, rappelée à son rôle de subalterne par un homme qui refuse de reconnaître la qualité et l’importance de son travail, et trouve des peccadilles pour en minimiser l’importance ? Quelle femme ne s’est jamais fait traiter d’hystérique, d’arrogante, de « star », simplement parce qu’elle demande à être traitée avec justesse et respect, de la même façon que l’on traiterait un collaborateur masculin, auquel on ne demanderait jamais, entre autres, d’être plus souriant, et plus gentil avec ses collègues ?

Quelle personne ayant dépassé 25 ans, non mariée avec une personne du sexe opposée, et ni père ou mère, n’a du faire face à des allusions déplacées à sa vie privée, à des commentaires méprisants, insinuant qu’il y avait forcément un problème, une anormalité ? Combien de soirées « entre amis » perdues à cracher sur les absents, où l’on oublie de se rendre compte que l’on a rien à se dire d’autre, et que la vie est courte ?

J’écris cette nouvelle en mémoire de toutes les heures perdues en bavardages inutiles, de tous les talents gâchés, de toutes les amours rendues impossibles, par la bêtise. En mémoire de toutes les innovations qui ne se concrétiseront pas – salut, monsieur Turing – de toutes les œuvres qui resteront inachevées, de la beauté qui n’adviendra pas, à cause de notre bêtise, dont les lourdes œillères permettent de regarder le sol, mais jamais le ciel.

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Auteur·e

melpwyckhuyse

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