Parce que notre quotidien est souvent fait de scènes de théâtre, avec parfois même des objets qui parlent.

Une librairie, au temps du Covid-19.
La cliente hisse sa truffe masquée à hauteur du dernier rayonnage.
La libraire – « Vous cherchez le Gaudry ?
La cliente – hésitante – Le… ?
La libraire – On va déguster l’Italie, de François-Régis Gaudry, sur France Inter’.
La cliente – pince son masque pour chasser la buée de ses lunettes – Ah. Non, non, non. Je suis plutôt Jacky Durand, de France Cu’…Culture.
Hochements de tête de connivence.
La cliente – philosophe – Chacun son bénitier.
La libraire – acquiesce – Je ne l’ai plus, ce livre, de toutes façons. »
Une salle à manger, où se déroule un repas copieux et très long.
La cousine Bette – extatique – « Aaah oui, mais oui ! Ah, on en trouve plus des nappes comme ça. Elle tâte l’étoffe.
La cousine Paula – fière – Je ne te le fais pas dire. Ce sont de vrais jours d’Angles !
La cousine Bette, la tante Espérance, l’Oncle Saul – respectueux – Oooh…
Aventurine – exaspérée – Hhhh !
La mère d’Aventurine – lui fout un coup de pied sous la table et s’extasie sur la nappe – Ooooh…
L’oncle Saul – plaisant – C’est comme les figolu, on n’en trouve plus !
La tante Esperance – pouffe.
Les cousines – Ah oui, ah c’est vrai, c’est vrai !
Aventurine – hargneuse, à mi-voix – Pff… Bah si, ça s’appelle des makrouts !
La mère d’Aventurine – lui met deux coups de pieds sous la table.
La tante Espérance – Elle dit quelque chose, la petite.
La mère d’Aventurine, avec conviction – Non, je n’ai rien entendu.
La cousine Paula – C’est comme le shampoing Namanga à la fleur d’oranger, introuvable.
La tante Espérance – Et l’antésite !
Aventurine – agacée, trop fort – Et les crottes de chien blanchies sur les trottoirs…
Tous sont saisis.
La mère d’Aventurine – sourit de honte.
Un ange passe.
Le cousin Saul – réprime un rire – Ubi sunt, les neiges d’antan ?
Aventurine rougit et coule un regard de détresse à l’oncle Saul.
Un temps.
L’oncle Saul – Il reste du gâteau ? »
La conversation reprend.
Un salon, à l’ouverture des cadeaux. Babillages joyeux, échange de paquets.
Une voix – aparté -« J’espère que ce n’est pas fabriqué [ãnazi].
Le tapis en laine artisanale – horrifié – Haaaah !
L’huile essentielle de lavande – pédagogue et lasse – « En Asie », elle a dit, « en… Asie… »
La bougie en cire d’abeille – aparté – En plus, il est sourd.
Le comptable – admiratif devant son nouvel album photo cartonné, relié à la main- Quand même, c’est génial d’être doué de ses mains, pour les cadeaux…
Le médecin – admiratif devant cette chemise faite sur mesure – Ah, ça…
La journaliste – admirative devant son poste de radio en chocolat – Oh oui !
Le chocolatier, la couturière, la scrapbookeuse – airs tous fiers.
Julius, étudiant aux Beaux-Arts, spécialiste des dessins anatomiques gores et pornographiques – décille – Mais ouais, mais grave !
Les autres – airs circonspects devant leur paquet offert par Julius.
Le comptable, le père de Julius – aux autres,- Je vous préviens : le premier qui moufte en ouvrant son cadeau, je lui fais mettre dans son salon. »
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