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Cinéma : Le plaisir de chanter, une "comédie d'espionnage"

Voici une comédie française de 2008, de Illan Duran Cohen. C’est son troisième long-métrage. Sur l’affiche, on lit qu’il s’agit d’une « comédie d’espionnage » avec Lorànt Deutsch, Marina Foïs et Jeanne Balibar. « Comédie d’espionnage », ça plante déjà le décor, ça sent un peu son nanard, ça évoque OSS 117, espion français misogyne, vulgaire, raciste, bête, incarné par Jean Dujardin.

On s’attend légitimement à des personnages un peu cliché, et à une utilisation décalée de quelques grosses ficelles du genre. Allons y voir de plus près.

Marina Foïs est Muriel, et Lorànt Deutsch est Philippe. Ils campent un duo d’agents secrets français. Muriel a passé la barre fatidique des 30 ans, se trouve vieille, a peur de finir seule, et veut absolument se retrouver enceinte. Elle se jette littéralement sur Philippe, Lorànt Deutsch, son coéquipier plus jeune, qui ne dit pas non, malgré sa froideur et l’éthique professionnelle dans laquelle il se drape. Leur mission c’est de récupérer une clef USB contenant des données sur un trafic d’uranium, mis en place par Hans Müller, le mari trop tôt disparu de Constance Müller, riche veuve extrêmement naïve incarnée par Jeanne Balibar, et seule à savoir où se trouve cette clef.

C’est un film d’espionnage, et que serait un film d’espionnage sans méchants, je vous le demande ? La clef usb devient le centre de toutes les convoitises, et le cours de chant lyrique suivi par Constance Müller se remplit chaque jour de nouveaux élèves, qui s’avèrent être tous des espions, envoyés par différents pays. Bien sûr, Muriel et Philippe en sont.

Disons que c’est un film autour du chanter et du faire chanter. La clef USB fait chanter littéralement tous les espions, autant que le fils de la prof de chant, qui sait parfaitement que cet afflux d’élèves est directement lié à Constance, autant que Constance, toute idiote qu’elle semble, et qui sait que cet interêt soudain pour sa personne est lié à la clef USB. Mais le fils de la prof de chant voit les finances de sa mère s’améliorer, Constance se sent ainsi entourée : chacun gagne à se taire, en somme. Ça nous rappelle aussi qu’il y a bien souvent des bénéfices secondaires dans une situation difficile, et que nous humains, retardons parfois la résolution de certains problèmes ou conflit, parce qu’on a quelque chose à y gagner.

Quand le doigt montre la « Lune »…

Voilà la noblesse du nanard : un humour un peu facile en surface, peut-être un peu lourdingue, une intrigue aux coutures apparentes, mais pour nous montrer autre chose avec malice. On pense par exemple, en fait de nanards 70’s, à Calmos, de Bertrand Blier, pochade misogyne ou aux films de Jean Yann. Le subversif se trouve caché derrière l’outrance, et derrière les scènes de cul. Car oui, il y en a un certain nombre dans ce film, de scènes sans vêtements, disons, donc ce n’est peut-être pas vraiment une comédie à montrer à ses enfants.

Pour résumer : tout le monde couche à peu près avec tout le monde, avec une légèreté et une décontraction divertissante. Julien Baumgartner incarne d’ailleurs un escort boy missionné par un agent iranien pour infiltrer le cours de chant et séduire Constance, mais au passage, il couche avec Muriel, la belle-sœur de Constance, et puis, tant qu’on y est, avec l’agent iranien. Il se définit lui-même comme « une petite pute ».

Constance, quant à elle ne résiste pas non plus aux charmes d’une agente du Mossad. Alors, oui, des histoires de coucheries libertines, ça peut sembler un peu faible pour ficeler une intrigue. Mais ce que l’on relève tout de même, c’est qu’il s’agit souvent dans ce film de femmes de 40-45 ans qui jettent leur dévolu sur des hommes plus jeunes, et assument totalement leur désir. On voit aussi, en toute décontraction, Constance, Jeanne Balibar, donc, passer des bras d’un amant à ceux d’une amante, et de même pour Julien Baumgartner.

Il n’y a aucun discours militant particulier associé, à tel point que ces comportements semblent donc être une norme dans l’univers du film. Par ailleurs, l’escort boy est obsédé par le fait de vieillir, et cela fait un effet miroir avec les préoccupations de Muriel (Marina Foïs). En 2008, il n’y avait pas encore de mariage pour un couple du même sexe, les notions de « polyamoureux » ou « gender fluid » n’étaient connus que d’un public restreint. Alors en montrant ces ébats, qui plus est de façon ludique, on reste aussi dans le nanard, et dans une façon peut-être de montre la tartufferie d’une société.

Un film que l’on oublie vite

Voilà le making of du film, réalisé en un temps record, par le réalisateur et les comédiens :

Pour conclure, on passe certes un bon moment, on rit en entendant chanter aussi faux, mais il faut bien l’avouer, c’est un film que l’on oublie assez vite, preuve en est : je n’ai pas même décrit d’image, rien dit de la façon de filmer. Je vais donc continuer sur ma lancée, et vous proposer d’écouter Leise flehen miene lieder, une œuvre de Schubert, chanter dans le film par Julien Baumgartner, mais ici interprétée par Rosemary Standley, et l’Ensemble Contraste, interprétation à retrouver sur le magnifique album Schubert in love, enregistré à l’Abbaye de Noirlac, et que vous trouverez chez Alpha Classics.
Ici on voit les artistes :

Ici le son est de meilleure facture :

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Auteur·e

melpwyckhuyse

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