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Conte - Gaia

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« Gaia se meure », dit le chat à l’enfant-forgeron. L’enfant-forgeron posa ses outils, et regarda
longuement le chat. Sa vue se brouillait doucement. Le chat vint lécher les larmes sur les joues
sales, puis se blottit dans le cou de l’enfant-forgeron. Le feu haussait une flamme de temps à autre,
inquiet pour son petit maître. L’enfant-forgeron dit au chat : « Vas chercher mon frère, l’enfant-berger. »
A l’aube, l’enfant-forgeron attendait le chat et l’enfant-berger au pied de la montagne. Le chat
traversa la brume. Il était seul. « Chat, viens avec moi ! », supplia l’enfant-forgeron. Mais le chat
rebroussa chemin. Seul au pied de la montagne, l’enfant-forgeron pleura. « Comment trouverais-je
mon chemin, sans l’enfant-berger ? Comment reconnaîtrais-je les bons des méchants, sans le
chat ?
» Le vent fit onduler les herbes hautes dans la lumière grise, et elles chantèrent. « Gaia,
montre moi le chemin jusqu’à toi », demanda l’enfant-forgeron. Une fourmi ailée se posa sur son
bras. Il la fit se promener sur sa main, puis sur l’autre. Soudain, elle s’arrêta, et fit frissonner ses
ailes. Lorsqu’elle s’envola, il la suivit.


En chemin, plusieurs fois, les loups lui demandèrent : « Mais où est donc ton frère ? » Il ne
répondait pas. Ils le bousculaient, parfois lui mordaient un mollet. L’un d’eux, plus méchant peut-être, plus hardi sans doute, croqua la fourmi. L’enfant-forgeron lui fendit le crâne d’un coup de
marteau, et ouvrit sa bedaine d’un coup de tenaille. Cent ombres d’agneaux s’en échappèrent. Il eut
faim. La fourmi reparut, et il oublia de cuire cette chair fétide, pour reprendre sa route.
Dans l’ombre, des yeux de loups brillaient. Ils craignaient l’enfant-forgeron. De part et d’autre, ces
lumières vertes lui éclairaient le chemin.


Dans une clairière, il trouva une fillette qui chantait. Il s’approcha. « Que tu es sale ! » lui dit-elle,
elle, si blonde et si belle. Était-elle une princesse ? L’enfant-forgeron baissa les yeux. Il aimait
l’entendre chanter. Elle chanta encore. « Que tu es seul ! lui dit-elle, tu n’as donc pas d’amis ? »
L’enfant-forgeron baissa les yeux, pensant à l’enfant-berger et au chat. Il était triste, et voulait
encore l’entendre chanter. Elle chanta. « Que tu es pauvre ! lui dit-elle, regardant avec dégoût ses
haillons. Des fils d’or brillaient au col de sa robe. L’enfant-forgeron baissa les yeux. Il cacha derrière
son dos son marteau et sa tenaille. Jamais il n’avait vu une aussi belle petite fille, ni entendu aussi
bien chanter. « Tu voudrais que l’on soit amis ? » Demanda la fillette. L’enfant-forgeron leva
timidement les yeux. « Mais tu es trop pauvre, trop seul et trop sale ! » Elle chanta. L’enfant-forgeron était triste, mais il ne voulait pas pleurer devant cette belle petite fille. Il l’écouta. Soudain,
elle s’arrêta, et poussa un cri. Avec sa chaussure, elle écrasa la fourmi.

Alors l’enfant-forgeron pleura, pleura, car il comprit qu’il avait perdu sa seule amie. La fillette, le
regardait, stupéfaite. L’enfant-forgeron prit dans ses mains la petite morte, et pleura, pleura si fort,
qu’il la baigna de ses larmes. La fillette fut bientôt jalouse, et quelle ne fut pas sa surprise de voir
que doucement, doucement, la fourmi se mettait à vivre de nouveau. Elle se dit que cet enfant-là
n’était vraiment pas ordinaire, était-il un sorcier ? L’enfant-forgeron était tout à sa joie de voir de
nouveau voleter la fourmi. La fillette vit soudain le marteau et la tenaille. « Quelle chance, dit-elle,
tu manies ces instruments-là ». L’enfant-forgeron tourna la tête. Elle lui montra son poignet, orné
d’un gros bracelet d’or. « Vois, mon bracelet est coincé dans cette souche, je ne peux m’en aller.

Coupe le, je te le donnerai pour te remercier. » Mais l’enfant-forgeron prit ses outils, et suivit la
fourmi. A mesure qu’il approchait de la lisière de la forêt, la fillette vit partout de curieuses lumières
vertes s’allumer. « Cet enfant-là n’est vraiment pas ordinaire. C’est donc un sorcier. » Elle vit
l’enfant-forgeron disparaître dans la forêt, et avec lui, un partie des lumières vertes. Les autres
s’approchaient. « Cet enfant n’est vraiment pas ordinaire. C’est un sorcier. »


Les loups n’aiment pas chanter.

Vue d'une forêt en contre plongée
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L’enfant-forgeron atteignit le village dans la nuit. Il se dirigea vers la maison de Gaia. « Tu as tardé,
lui dit le chien, voilà qu’elle ne parle plus.
» L’enfant-forgeron pensa au chat, à l’enfant-berger, aux
loups, et à la fillette, qui avaient tant allongé son chemin. Il fut pris d’une grande colère, et jeta son
marteau dans la nuit. Il le regretta aussitôt. « Va le chercher, lui dit le chien, et ne tarde plus. »
L’enfant-forgeron partit à la recherche de son marteau. Bientôt, il entendit pleurer une femme, et à
ses pieds son marteau. Elle lui dit « Est-ce à toi ce marteau ? Est-ce toi, ce dieu méchant , qui a fait
si peur à mon âne, qu’avant de fuir, il a jeté à terre mon enfant ?
» Elle tenait dans ses bras un tout
petit garçon qui semblait endormi. L’enfant eut tant de peine et tant de remords, que la nuit eut pitié,
et lui envoya la nuée d’agneaux qu’il avait sorti des entrailles du méchant loup. La nuée bleue
enveloppa bientôt l’enfant-forgeron, la femme et le tout petit garçon. « Agneaux, ayez pitié. Vous
savez le chemin, je vous en supplie, allez le chercher.
» La nuée dansa, puis tourbillonna vers la
forêt, faisant s’incliner les arbres. Elle revint plus dense, et chargée de rosée, et enveloppa le tout
petit garçon dans le bras de sa mère. Bientôt, ses lèvres redevinrent roses, et ses joues. L’enfant-forgeron pris son marteau et se sauva en courant. Lorsque le tout petit garçon ouvrit les yeux, la
mère, si émue, voulu serrer dans ses bras aussi cet enfant au marteau, mais il n’était plus là.
Alors, elle confia pour lui un baiser à la nuit.


Le chien lécha les joues de l’enfant-forgeron. L’enfant le serra fort, et resta un temps la joue contre
le cou du chien, lui caressant le flanc. Puis le chien lui donna quelques coups de nez. « Entre, il est
temps.
» Dans la maison, l’enfant-forgeron vit plusieurs silhouettes autour de Gaia allongée. Il
s’approcha, craintif. Des hommes et des femmes, plus ou moins vieux, qui se ressemblaient. Ils le
scrutèrent, puis se mirent à murmurer. C’est lui ? C’est lequel ? Qu’il est sale… Mais où est son
frère ? Non, ce n’est pas l’enfant-berger, regarde comme il est noir ! Tu es sûr que c’est… Oui, c’est
l’autre… Où est donc son frère ?… Ah vraiment ?… Ils ne se ressemblent vraiment pas… Tu es sûre ?
Qu’a-t-il fait de son frère ? Il n’est pas très grand… Il n’est pas très beau… ça ne peut pas être
l’enfant-berger… Ce doit être l’autre, alors… Mais où est son frère ? »


L’enfant-forgeron n’osait avancer plus. Il voyait Gaia, et ses longs cheveux gris dénoués.
La plus grosses des femmes s’adressa à lui : « Où est ton frère ? » L’enfant-forgeron baissa les yeux.
Murmures. La femme s’énerva : « Dis quelque chose ! » Alors l’enfant-forgeron s’approcha de Gaia.
Il s’assit près d’elle et prit sa main. Il lui raconta son chemin, jusqu’à elle. Il lui demanda pardon
d’être arrivé si tard. Il lui raconta les fleurs et les arbres qu’il avait vu en chemin, et demanda pardon
pour celles qu’il n’avait pas vues, et que l’enfant-berger, lui, connaissait si bien. Il lui raconta mille
choses, elle semblait écouter. Les hommes et les femmes autour commencèrent à écouter. Puis l’un
d’eux y alla de son anecdote. Un autre ajouta son avis sur le sujet. Puis on en vint à raconter les
histoires du village, et celle de chacun, et à s’accorder sur la juste version des faits. L’enfant forgeron pleura. Il serra la main de Gaia dans les siennes, et lui demanda de ne pas le laisser seul avec eux.

Vue sur une vallée
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A l’aube, Gaia respirait toujours doucement, les yeux clos, la main dans celles de l’enfant-forgeron.
Certains commencèrent à bailler. Puis la plus grosse femme dit qu’elle avait à faire et reviendrait
plus tard. Un homme dit qu’il devait sortir ses bêtes, et reviendrait ensuite. D’autres sortir sans rien
dire. Soudain, un homme saisit l’enfant-forgeron par une cheville, et le secoua. « Et celui-là, hein ?
Celui-là, sait-on seulement qui il est ! Va—on le laisser, là, tout seul ?
» L’enfant-forgeron pleurait
et tendait les bras vers Gaia. « Que veut-il, à la fin, ce noiraud qui dit défier les loups, et que
personne ne connaît ?
» Ceux qui étaient là murmurèrent. C’était vrai, il se disait l’enfant-forgeron,
mais comment le prouver ? S’il était l’enfant-forgeron, où était l’enfant-berger ? L’homme le lâcha
sur le sol de terre battue, et le gifla. Petit voleur, petit menteur ! Es-tu donc venu pour voler la
maison de Gaia ? L’enfant-forgeron regarda longuement l’homme, puis autour de lui. Il n’y avait rien
a voler chez Gaia… Pas de robes brodées d’or, pas de bracelets… Or, tous en portaient. Chez Gaia, il
n’y avait que Gaia.


La porte s’ouvrit sur le matin et sur une femme qui apportait une jarre d’eau. Un rayon de soleil
serpenta jusqu’à l’enfant-forgeron, et fit briller ses yeux jade. La femme alla vers l’enfant et
l’embrassa. « Tu as les yeux de Gaia, enfant-sorcier, tu as sauvé mon bébé. ». Les murmures
redoublèrent. L’enfant-forgeron regarda tristement partir la femme. Il retourna au chevet de Gaia.
Les deux hommes qui étaient restés s’endormirent. L’enfant-forgeron vit un livre au chevet de Gaia.
Il le prit d’une main, gardant son autre main dans celle de Gaia. Une feuille d’arbre dépassait du
livre. L’enfant-forgeron l’ouvrit à cet endroit. C’était une histoire bien compliquée, avec beaucoup
de personnages, dans un pays où il pleuvait beaucoup. L’enfant-forgeron sourit. Il ne savait pas que
Gaïa lisait ce genre d’histoires. Il resta longtemps, longtemps blotti au chevet de Gaïa, lisant son
livre, sa joue sur les longs cheveux gris. Il aurait pu devenir un tout petit chat noir, qui regardait
danser le rideau faisant office de porte, l’oreille toujours attentive à la respiration de son maître.


La grosse femme revint, et une autre, tout à fait semblable mais moins grosse, et trois autres
hommes plus ou moins dégarnis. Ceux qui s’étaient endormis dans les fauteuils s’agitèrent. Ils
parlèrent des récoltes, dirent du mal des absents, mangèrent et burent sans retenue. Soudain, la
grosse femme vit l’enfant-forgeron. « Alors, nous diras-tu enfin où est ton frère ? Va-t-il seulement
daigner venir ici ?
» L’enfant-forgeron ne dit rien, et prit la main de Gaia.


Les conversations se poursuivirent entre les enfants de Gaia, chacun cherchant à deviner les vues
des autres sur les terres de Gaia. Ils échangeaient des sourires en lames de couteau et du poulet en
gelée. L’un d’eux osa enfin demander à qui irait le don. Savait-on qui Gaia avait désigné ? La grosse
femme prétendit qu’elle avait de drôles de vertiges depuis quelques jours, et que c’était peut-être un
signe. Un des dégarnis dit que ses pêches avaient été miraculeuses depuis deux jours, c’était peut-être un signe. Chacun énonçait sa preuve qu’il pourrait bien être l’élu.


A mesure qu’ils parlaient, l’enfant-forgeron vit un poil gris, très dru, pousser, pousser sur le menton
de Gaïa. La moins grosse dame rappela que pour que le don soit transmis, il fallait que tous les
enfants de Gaia soient présents, or, il manquait l’enfant-berger… L’enfant-forgeron était si intrigué
par ce poil incongru, qu’il n’entendait plus les conversations. Un dégarni laissa entendre que le don
serait perdu, si l’enfant-berger ne venait pas ! Un autre dit que l’enfant-berger avait refusé de venir
parce qu’il ne voulait pas du don… Une voix glapit que c’était absurde, qu’un don pareil ne se refuse
pas, et qu’il ne peut pas se refuser de toute façon ! … Si il ne vient pas, après tout, peut-être qu’il
n’est pas vraiment de la famille… Allons, bien sûr que si ! S’indigna la grosse femme, c’est bien moi
qui l’ai porté ! Et puis comment un enfant si beau ne pourrait-il pas être de la famille ! Murmures
Un dégarni, se servant une pleine timbale de vin, fit remarquer que le seul dont la provenance était
vraiment incertaine, c’était ce petit crasseux d’enfant-forgeron… Rires. Encore une fantaisie de
Gaia… dit le plus vieux. Oui, elle avait trouvé un bébé abandonné dans un tas de chiffons près du
lavoir, alors, évidemment, comme elle a toujours soigné les animaux errants… Elle l’a ramassé, et
comme il y avait déjà un berceau à la maison, elle a donné cette trouvaille comme frère à…


L’enfant-forgeron saisit le poil sur le menton de Gaia entre deux doigts. On aurait dit du métal tant il
était solide. Comment ôter cette vilaine chose, qui n’avait rien à faire là ? Impossible de l’arracher,
cela aurait fait mal à Gaia. Il fallait donc le couper. L’enfant-forgeron saisit sa tenaille, et coupa le
poil au ras de la peau de Gaia. Il lui sembla que Gaia avait poussé un soupir et qu’elle souriait. Le
poil coupé se mit à serpenter sur le drap blanc, et vint s’enrouler autour du poignet de l’enfant-forgeron, en un bracelet d’argent terni. L’enfant-forgeron enfouit son visage dans les cheveux de
Gaia et il pleura, car il comprit qu’elle partait.


Le chien vint près de l’enfant-forgeron. « Fils de Gaia, vient, il est temps… » L’aube fendait le ciel
d’un trait blanc. L’enfant-forgeron déposa un baiser sur le front de Gaia, puis il suivit le chien,
enjambant les dégarnis et les grosses femmes qui cuvaient leur vin.

Grands arbres, faisceau lumineux
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Près du puits, il vit la femme. Elle lui sourit. Elle mouilla un linge, et lui lava le visage et les mains.
Elle défit son long voile orange, et en drapa l’enfant-forgeron. Elle sourit de le voir si beau. Elle le
regarda longuement, avec joie, et surprise, puis elle s’enfuit en riant. L’enfant-forgeron la suivit des
yeux, sans comprendre son rire. Le chien lécha les mains de l’enfant, ils traversèrent le village dans
le jour naissant. Ils arrivèrent devant le palais du vieux roi Abkhar. Dans le jardin, Abahil, le prince
musicien, jouait du luth. Le chien se faufila à travers la haie, suivi de l’enfant-forgeron. Le prince
cessa de jouer, écouta, et sourit. Il était aveugle, mais pas sourd ! « Chien, tu es bien matinal…
Quelles tristes nouvelles m’apportes-tu de mon aimée ?
» Le chien avança vers Abahil, suivit de
l’enfant. Le prince entendit que le chien n’était pas seul. Ce pas n’était pas celui de Gaia, et pourtant, il l’émut aux larmes. « Chien, qui est donc venu avec toi ? » L’enfant-forgeron regarda cet homme
élégant, qui jouait si bien du luth, et qui avait la peau miel et les cheveux sombres. Il n’osait
comprendre… Comment cet homme, dans sa quarantième année, pouvait-il demander au chien de
Gaia des nouvelles de… son aimée ?


Intrigué, l’enfant s’approcha du prince. Il approcha sa main du bras du prince, compara, et vit ce que
l’autre ne pouvait voir. Le prince avança une main vers l’enfant, elle rencontra son épaule. Son autre
main, avertie qu’il s’agissait d’un enfant par la première, ajusta son mouvement pour effleurer sa
joue. Le prince prit l’enfant dans ses bras. « J’ai toujours su que tu viendrai. J’ai chanté des nuits
entières pour que tu viennes. Gaia me racontait tout ce qu’elle voyait, pour que je le chante au
monde. Gaia était mes yeux. Quand deux peuples ne s’aiment pas, quand les lois des hommes
l’interdisent, un prince et une sorcière ne peuvent s’aimer, un jeune homme et une femme, ne
peuvent s’aimer, mais ils le font quand même.
» L’enfant-forgeron se sentit soudain heureux, comme
il ne l’avait jamais été. Il imaginait la puissante Gaia, aller rejoindre à la nuit tombée le puissant
prince Abahil, avec le chien faisant le guet. C’était à la fois ridicule, et tellement beau. Il pensait aux
dégarnis, et aux grosses femmes, qui ne surent jamais déceler qu’il était leur frère, et il rit, il rit dans
les bras de son père, qui riait avec lui.


Grave, soudain, le prince dit : « Gaia savait qu’elle ne pourrait finir le livre qu’elle lisait, et moi, je
ne pouvait lui lire…
»
« Père, dit l’enfant, je sais, moi, comment se finit ce livre ! » Alors, prenant son luth, le prince dit à
l’enfant : « Alors, raconte-moi… »
Tandis que le royaume voisin pleurait sa plus sage et sa plus puissante sorcière, la cour du vieux roi
Abkhar découvrait avec surprise les nouveaux chants du prince Abahil. Nulle mélancolie, nul amour
désespéré dont on se languit, mais des histoires extraordinaires d’animaux qui parlent, de montagnes
et d’humains immenses, d’arbres majestueux et très hauts, de méchants ventripotents et chauves. La
cour n’osait manifester son engouement, mais il est vrai que plus personne ne baillait pendant le
récital quotidien. On attendait une réaction du vieux roi Abakhar. Un jour, pendant l’histoire des
voleurs ventrus, Abakhar fut pris d’un fou rire qui lui dura jusqu’au soir, et qui contamina tout le
palais. Le soir et le calme venu, il fit appeler le prince Abahil. « Mon fils, il est arrivé une guérison
que je n’esperais plus. Depuis sept années, je te vois plus mort que vivant, comme possédé, et voilà
aujourd’hui que par ton art, tu amènes la joie dans notre maison. Je veux te faire un cadeau,
demande-moi ce que tu voudras
» A dire vrai, le vieux roi espérait que la demande fut : « une
épouse
», alors quand le prince dit, avec un sérieux qu’il ne lui connaissait plus : « Je veux mon
forgeron personnel
», le vieux roi s’exclama, avec un mouvement de dégoût : « Un forgerooooon !!!
Dans mon palais ! Quelle est cette folie ?
» Sans s’émouvoir, le prince expliqua qu’il voulait créer de
nouveaux instruments de musique, tout en métal, dans le secret le plus absolu.
Il en fut ainsi, et voilà l’origine la plus ancienne du jazz.

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Auteur·e

melpwyckhuyse

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