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Lettre à mon grand-père

« On ne peut pas tout comprendre, mon ami… » Nii Ayikwei Parkes

Cher grand-père,

Il y a deux ans, tu mourrais de froid, dans des circonstances restées pour moi étranges…
Période de fêtes oblige, les services de police ont mis – c’est du moins l’impression que j’en eu – un temps certain à nous rendre ton corps, et à conclure qu’il n’y avait rien à conclure, pas même une idée du nom de celui ou ceux qui t’avaient volé ton argent, ni du mystérieux rendez-vous où tu disais devoir te rendre et dont tu n’es jamais revenu. Un vieux retrouvé mort la veille de Noël, pas de quoi laisser refroidir le foie gras.
Je ne t’oublie pas.
Depuis quinze jours, ma chaudière se meure, et plus le 12/12 approche, plus les températures qu’elle offre sont à la baisse; comme les acquis sociaux dans ce pays. Si tu voyais ça… Enfin, peut-être que c’est mieux comme ça. Le thermostat se montre assez facétieux. 11.5°C à 11h05, avec un clin d’œil au 11 mai, 11/05 , les Saints de glace. 13°C à 13h. 12,5°C à 12h50. Et là, aujourd’hui… 8,5°C à 11h45. Que s’est-il passé le 8 mai 1945 à 11h? Peut-être pourrais-tu me le dire. Tu es plus calé que moi en Histoire.
Bon, c’est un peu dur à dire. Mais je me lance. Je ne t’oublie pas. Ne le prends pas mal, mais si tu veux me dire quelque chose, s’il te plait, laisse la chaudière… C’est difficile d’écouter et de travailler quand on a froid…
Il y a de quoi être fâché, cependant, c’est vrai… Ton film rouchi-marocain n’avance guère. J’ai besoin de ton aide précieuse à l’écriture; tu devais en être la voix… J’ai besoin d’argent aussi, car je ne sais pas encore me téléporter au Maroc. Peut-être que tu pourrais aller taquiner les chaudières des gens qui ne répondent pas à mes dossiers de demande d’aide à l’écriture?
Dis à ma grand-mère que son châle en laine m’est d’une grande utilité. N’était-ce la couleur, il fait vraiment madame Sarfati. Ça me fait rire, et je me réchauffe. J’irai acheter une boite de chocolats After Eight. Non pas que je les adore, mais c’était vos préférés. Je suppose même que vos excès de thé étaient un prétexte pour en manger. A chaque théière, son chocolat, n’est-ce pas?
Vous me manquez. A qui écrire des lettres, à présent? Je vais aussi aller chercher des oranges, et peut-être que je me laisserais aller à faire des pains d’amandes. C’est le moment de vous manifester. Je suis lamentable en cuisine, et je ne suis pas sûre de savoir bien régler votre four, qui coiffe cependant avantageusement mon frigo.
C’est étrange, j’ai déjà moins froid, de vous avoir écrit…

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Auteur·e

melpwyckhuyse

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